Face à Face

Attention ! Visionnez l’épisode Face à face avant de lire les explications de notre réalisateur à son sujet !

Face à face – l’analyse du train qu’on prend en pleine poire…

« Ça bouge tout le temps, il fait trop sombre, y a trop de bruits, on entend rien, y s’passe rien à part une miss qui s’fait péter la gueule, y’a qu’une forme, mais pas de fond ! Franchement je préfère mille fois le dernier Christopher Nolan ! » Voilà ce que certains spectateurs pourraient penser au premier abord de cet épisode. Ben oui, pourquoi pas. C’est vrai que les équipes de productions sont comparables…

D’autres diront : « C’est du pur génie ! Igmar n’a qu’à bien se tenir, on est dans l’apothéose du psychodrame métaphorique, sous la couverture du réalisme !» Flatteur ! Mouaif…

Votre vérité, enfin disons votre point de vue, se situera entre ces deux extrêmes. Alors pour les curieux, pour les sceptiques, pour les moins imaginatifs et pour ceux qui n’ont pas trop eu la chance d’avoir The culture du cinéma, attachez vos ceintures ! Le réalisateur himself va vous faire découvrir ce qui se cache derrière cet épisode.
Bienvenue dans le plus dark, le plus poussé, le plus technique et le plus psychologique épisode de la web-série des Huguenots ! Mais comme disait l’autre, à quoi sert d’allumer une lampe si c’est pour la cacher sous un sceau…

Premier constat : sur ce coup là, vous n’êtes pas pris par la main pour comprendre les enjeux… en jeu ! C’est voulu : faire travailler votre matière grise, vous faire vous poser des questions, en poser, discuter autour vous de cet épisode, voilà le but recherché ! Et ça marche ! 🙂 Sinon vous ne seriez pas en train de lire ces lignes… Première chose à saisir : dans cet épisode, j’essaie de toucher à l’essence du cinéma. Montrer et non expliquer. Voyage au pays des métaphores psychologiques !

Scène 1, prise 1… Action !

On retrouve Amélie peu après l’avoir laissée à la fin de l’épisode 3 – La rencontre : marchant dans une rue sombre, l’esprit occupé. L’image volontairement dark et le cadre aux mouvements très chaotiques sont le reflet de ses pensées : noires et confuses ; Amélie est aux limites de ses craintes : et si le monde n’était pas celui qu’elle imaginait.. ? Puis le SDF surgit. Elle le vit presque comme une agression. Apeurée, elle s’en détourne pour continuer son chemin encore plus mal qu’avant. Là, on a tous compris qu’elle avait eu la trouille du SDF. Mais est-ce que les gens qui suivent la série et connaissent le caractère, les points de vue du personnage d’Amélie, trouvent qu’elle est en symbiose avec ses théories… ? Hein ? Voilà, vous venez d’avaler la pilule rouge, Néo !

Son comportement est en total contradiction avec ses théories : échanges, évangélisation, amour pour tous, monde rose bonbon… on en est loin. Amélie s’en est bien rendue compte : dans la scène suivante, longeant le grillage, elle est au plus mal : tics de la tête, main trop souvent passée dans les cheveux, elle se repasse des bribes de la discussion. Et ce silence, ce long plan qui n’en finit pas…. et ce grillage qui lui bouche l’horizon ; tous des indices sur son état psychologique : c’est la cohue, entre ses valeurs, la réalité, c’est les bruits amplifiés, comme des sens trop sensibles, c’est un questionnement qui agresse sans en arriver au bout et c’est surtout un constat dramatique qu’elle évoque par tous ces petits détails. Secouée par la vie, elle a été incapable d’appliquer ses belles théories avec un type vraiment dans le besoin… Bienvenue dans le monde réel Amélie !

Il faudra à Amélie le constat d’un monde qui ne bouge pas (le couple de passants – voyeurs impassibles, comme nous, très souvent !) devant l’horrible qui se produit sous ses yeux (la femme agressée) pour qu’elle trouve spontanément en elle le courage d’aller de l’avant, d’aller vers le danger, en direction de ce type qui frappe et humilie une femme au sol. Amélie ne réfléchit plus, elle agit. Un courage sorti de ses tripes et non de ses bouquins. Et là, Amélie découvre en même temps que le spectateur qu’elle en a, des tripes !

Car ok, on est dans une fiction et Amélie c’est la gentille héroïne. C’est donc normal qu’elle aide les plus faibles (comme une nuée de super-héros avant elle). Mais dans la vraie vie, dans nos vies de tous les jours, combien d’entre-nous oseraient quitter le rôle de spectateur-voyeur pour se mettre en danger pour un ou une inconnue ? Hein, combien risqueraient des coups qui ne leur sont pas destinés, juste pour protéger la victime d’une injustice… ?

Puis Amélie soutient littéralement la femme, la réconforte et la prend en charge pour la raccompagner. Son chemin intellectuel est fait : aux doutes succède la force trouvée d’aider concrètement une victime. Le climax passé, l’héroïne n’est plus la même : elle a affronté et surmonté ses craintes, ses doutes, pour devenir une autre personne : elle a trouvé la Force en elle !

Bon… c’est vrai, il y en a qui ont déjà raconté cette histoire en plus de 2 heures, avec des maquettes de vaisseaux spatiaux accrochées au plafond… Moi j’avais juste 2 minutes 49.

Le train final, avec son vacarme, c’est celui qu’Amélie vient de prendre en pleine tronche avec ce qu’elle vient de vivre. C’est aussi celui que le spectateur vient de prendre en pleine tronche, avec cet épisode à mille lieues de l’esprit bonne enfant de la saison 1. C’est voulu. La saison 2, c’est la saison des remises en questions, les certitudes sont passées. C’est le brouhaha du cerveau effervescent qui précède le silence : celui du calme retrouvé, celui des idées redevenues claires.
Et puis, si on pousse un peu, cet épisode est aussi destiné aux futurs étudiants en théologie : un jour, serez-vous capable d’appliquer concrètement les valeurs, les principes de vie chrétienne que vous allez approfondir en théologie ? Serez-vous capable d’accepter vos limites et imperfections ?

Évocations par l’image des doutes, des peurs, remise en question, constat d’impuissance devant le malheur de l’autre, courage de se mettre en danger, passage à l’acte, mise en danger personnelle, aide au plus faible, capacité à passer de la théorie à la pratique…

Finalement, ça en fait, des thèmes évoqués en 2 minutes 49, non ? 😉
Merci de nous suivre dans cette formidable aventure et à très vite pour de nouveaux épisodes !!

Sébastien Cornioley

Publié le 27.11.2014

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